• CHAPITRE  20

     

    J’ai entendu frapper à la porte. J’allais ouvrir c’était Evguénia. Je me fermais c’était la dernière personne que je voulais voir ce soir.

    -          - Qu’y a-t-il Evguénia ? lui dis-je sèchement.

    -          - Je ne veux pas t’importuner mais j’aimerais que l’on sorte marcher dans le jardin. J’ai besoin de te parler.

    -          - Et tu ne peux pas me le dire ici ?

    -          - Non. Je voudrais marcher pour avoir le courage de te parler une dernière fois avant de rentrer chez nous.

    -          - Tu rentres dans notre monde ?

    -          - Oui. Mais s’il te plait en souvenir du bon vieux temps lorsque nous étions encore amis, viens faire un tour avec moi. Il fait bon dehors.

    -          - Juste une promenade alors.

    Je fermais ma chambre et j’ai suivi Evguénia. Nous marchions tranquillement vers la forêt. Je me demandais ce qu’elle avait à me dire, je m’impatientais.

    -          - Je croyais que tu voulais me parler ?

    -          - Je sais mais ce n’est pas facile.

    Elle marchait encore, d’habitude l’obscurité ne me gênait pas mais là j’avais un mauvais pressentiment. J’allais exiger qu’elle me parle tout de suite lorsque j’ai ressenti un énorme choc derrière la tête. Je suis tombé entendant le rire diabolique d’Evguénia avant de m’évanouir.

    Lorsque je me suis réveillée je savais seulement que l’on me transportait en voiture ou autre véhicule. Je sentais l’odeur de l’essence. On m’avait attaché les mains dans le dos, baillonnés les yeux et la bouche. Je sentais que mes pouvoirs avaient été également ligoté par je ne sais quelle magie noire.

    Malgré la peur qui m’envahissait mes seules pensées allaient vers Lize. Je savais que l’on était lié encore plus intensément depuis la nuit dernière. Je sais qu’elle a ressenti ce qui venait de se passer, elle sais que je suis en danger. Je l’ai entendu pleurer. Le jour était levé et pourtant je ne voyais rien. Je roulais encore et encore mais dans quelle direction ? Pourquoi Evguénia m’a-t-elle enlevé ? Je me rappelle de son rire, c’est elle la cause de mon kidnapping. Elle veut me garder pour elle, j’aurais dû faire un peu plus attention au signe. Je me doutais qu’elle préparait quelque chose.

    Lize souffre, je le sens. Je suffoque un peu dans cet endroit et les odeurs m’incommodent de plus en plus. Je ressens sa peine, elle suffoque lorsque je suffoque. Il lui faut de l’aide. Concentre-toi pendant qu’il te reste encore un peu de force. Fais passer un message à Lize. Il faut absolument qu’elle aille voir Christopher, lui seul sera la soigner, alléger sa souffrance.

    Je t’en supplie ma princesse va voir Christopher. Je sentais que j’étais à bout de force et prêt à retomber dans l’inconscience.

    A chaque fois que je reprenais connaissance je fredonnais sa musique, je sais qu’elle l’entendrait et qu’elle saurait que j’étais encore en vie.

    Je ne savais vraiment pas si cela faisait un jour ou deux, même plus, que j’étais enfermé dans ce coffre noir. J’entendais la voix d’Evguénia, elle donnait des ordres à d’autres personnes mais qui ? Je ne reconnaissais pas les voix ce qui me rassura j’avais peur que mes amis ne soient tous devenus mes ennemis. J’avais faim, j’avais froid. Je n’arrivais pas à me dégager, ni même à bouger d’ailleurs. Maintenant tout le monde devait être à ma recherche. Lize doit être morte d’inquiétude mais je sais que l’on s’occupe bien d’elle et qu’ils feront tout pour la protéger.

    Je sentis tout d’un coup des bruits de pas sur un chemin de terre. Le véhicule s’était arrêté, nous devions être arrivé à destination. On m’a extirpé et j’ai dû marcher quelques mètres. J’ai descendu péniblement des escaliers mais on me maintenait fermement afin que je ne tombe pas. Une chose rassurante, on voulait me garder en vie. On a enlevé mes liens et poussé dans une pièce froide. J’ai entendu le bruit de la porte et des verrous que l’on poussait. J’avais les mains libres, j’ai enlevé mes baillons. Il faisait très sombre et les murs étaient en pierre. J’étais dans une cave. Il y avait tout en haut d’un mur une toute petite lucarne qui m’indiquait qu’il faisait encore jour à l’extérieur. J’essayais de faire apparaître mon halo de lumière mais j’étais trop faible, je n’y arrivais pas. J’avais déjà perdu beaucoup d’énergie lorsque les ombres nous ont attaqués devant la maison de Lize et je n’avais pas eu le temps de me ressourcer.

    Je me suis mis devant la porte et j’ai dit quelques formules elfiques mais rien ne fonctionnait. Cet endroit était protégé par le mal.

    Je commençais à regarder autour de moi. Il y avait seulement un lit, un matelas et une couverture dans le coin opposé à la lucarne. Sur le côté droit de la porte des toilettes de fortune avec un lavabo rempli de crasse. J’ouvrais le robinet, l’eau coulait, c’était déjà ça.

    La porte s’est ouverte et Evguénia est apparue. Elle a donné l’ordre que l’on ferme la porte derrière elle et de n’ouvrir sous aucun prétexte.

    Elle avait changé d’apparence, elle était habillée en noir et avait les cheveux relevés vers l’arrière. Ses yeux étaient sombres et son visage était rempli de haine.

    -          - Alors Maximilien que dis-tu de ta nouvelle demeure ?

    -          - Pourquoi Evguénia ? Il n’est pas trop tard relâche-moi, je ne dirais à personne que c’est toi qui m’a enlevé.

    -          - Trop tard, j’ai vu Edwald le soir de ton enlèvement. Je lui ai tout raconté. Le pauvre il était si malheureux que j’en ai ri pendant un certain temps.

    -          - Et qu’est-ce que tu lui as raconté ?

    -          - Je lui ai appris que je m’étais alliée à ton père.

    -          - Ce n’est pas possible, il ne se montre jamais, tu mens.

    -          - J’ai su où le trouver. Depuis quelques temps je passe mon temps libre avec des personnes importantes du côté du mal. J’ai fait une proposition et ton père a bien voulu me recevoir.

    -          - Et quelle est cette proposition ?

    -          - J’ai passé un pacte avec lui. Je t’emmènerais à lui sur un plateau à condition qu’il me laisse devenir ta femme.

    -          - Tu as quoi ? Mais Evguénia tu es devenue folle à lier. Je ne t’épouserais jamais, tu m’entends, jamais. Je ne t’aime pas. Et puis tu sais très bien que mon père te tuera avant. Il ne voudra pas de toi dans ses projets. Relâche-moi pendant qu’il en est encore temps.

    Elle me lança des décharges électriques. Son halo de lumière avait disparu. Elle était devenue un démon et avait les pouvoirs du mal. Je serrais les dents pour ne pas lui faire le plaisir de me voir souffrir.

    -          - Jamais. Jamais je ne te relâcherais. Je t’avais dit que je laissais tomber pour l’instant mais je t’avais assuré qu’un jour tu m’appartiendras. J’ai jusqu’au 21 juin pour te faire plier. Nous avons promis à Delduwath de te garder en vie mais nous avons ordre de t’affaiblir jusqu’au jour où ton père viendra te chercher et pour toi ce sera comme une délivrance de le rejoindre.

    -          - Je te hais Evguénia.

    -          - Dans quelques mois tu seras mon mari et tu auras oublié ta petite humaine. J’aimerais tellement me débarrasser d’elle.

    -          - Si tu touches un seul de ses cheveux je te tue de mes mains.

    -          - Il faudrait déjà que tu es plus de force qu’aujourd’hui mais tu vois tu n’es pas prêt de faire un petit tour dehors avant longtemps et tu t’affaibliras jour après jour.

    Elle frappa à la porte et donna des ordres pour qu’on lui ouvre. Je me retrouvais seul dans ce cachot. Je pensais à Lize. Je devais lui manquer autant qu’elle me manquait. Il ne fallait surtout pas qu’Evguénia sache pour Lize, elle ne devait pas savoir qu’elle était mon épouse. Elle serait en danger.

    Je pouvais communiquer avec Lize par la boite à musique mais j’avais perdu mon boitier, je l’avais peut-être laissé dans ma chambre, quel idiot. Et puis j’ai pensé à notre lien unique. Elle avait des aptitudes, c’était de plus en plus clair.

    Je communiquais avec ma mère par la pensée je devais essayer avec Lize. J’ai vidé mon esprit, j’ai pensé à elle, je me suis concentré. Réveille-toi, s’il te plait réveille-toi et écoute-moi.

    Lize, ma princesse,

    Est-ce que tu peux entendre ma voix ?

    Elle m’avait entendu, je le savais. Il faut qu’elle arrive à se concentrer, nous devons réussir, c’est notre dernière chance.

    Maximilien, où es-tu ?

    Oh ma princesse !

    Je n’étais pas sûr que nos liens soient assez forts

    Et surtout que cette capacité t’avait été transmise.

    Mon amour, dis-moi où tu es ?

    Je ne sais pas.

    On m’a bandé les yeux mais je sais que l’on a roulé pendant des heures.

    Tu n’as aucun indice pour que l’on vienne te chercher ?

    Ma princesse, ne te mets pas en danger.

    Si Evguénia sait pour nous elle te tuera.

    Elle t’a fait souffrir ?

    Oui et tu as souffert avec moi.

    C’est pour ça que je t’ai envoyé vers Christopher.

    Je savais qu’il prendrait soin de toi.

    Il nous faut des indices pour te sauver.

    Dis-moi quelque chose qui pourrait aider Soren et Edwald à te retrouver.

    Je t’ai dit que l’on avait roulé des heures

    Je ne sais pas si nous avons pris un avion avant

    J’ai été inconscient un moment

    Ils m’ont énormément affaibli samedi soir.

    Donne-moi tes impressions

    J’ai l’impression que nous avons traversé une grande région plate ;

    Je sais qu’il y a un lac pas très loin

    C’est tout ce que je peux te dire pour l’instant, ma princesse.

    C’est un premier point, tu me manques.

    Tu me manques aussi

    Je dois me reposer pour prendre des forces

    Je te promets de te retrouver

    Je suis heureuse d’avoir ce lien avec toi, je t’aime.

    Je t’aime ma princesse.

     

    Ça avait fonctionné. J’étais épuisé mais heureux de lui avoir parlé. Elle veut me retrouver mais j’espère que Soren, Edwald et Christopher sauront l’empêcher de se mettre en danger. Je savais qu’elle leur ferait part de notre conversation. Je ne savais pas si je devais garder l’espoir de sortir d’ici avant mon anniversaire. Il fallait que je me repose, garder quelques forces pour communiquer avec Lize.

    Je n’arrivais pas à savoir depuis combien de temps j’étais enfermé dans cette prison, plusieurs jours, peut-être plus d’une semaine. Les ombres me font subir de telles souffrances que j’ai du mal à me maitriser. A chaque fois que je laisse échapper des cris j’entends Evguénia jubiler. Elle me rend visite chaque jour pour me dire ce que nous ferons subir aux humains lorsque le mal aura pris le dessus sur les deux mondes. Ça me dégoutait, elle riait. Je sais que je ne devrais pas faire cela mais toutes les nuits je parle avec Lize par la pensée. Ça nous permettait de tenir. Elle ressent les coups que me font endurer les ombres, Christopher lui permet de gérer ce qu’elle ressent en même temps que moi. Je ressens sa fatigue, elle ne dort pas beaucoup. C’est plus fort que nous, notre lien nous pousse l’un vers l’autre. Nous avions besoin d’entendre nos voix. Il fallait pourtant que je lui parle, j’avais réussi à questionner Evguénia. Elle se méfiait et était toujours sur ses gardes mais je lui avais demandé de me dire si j’avais bien senti un lac tout proche. Ça l’a fait rire que je lui parle justement de ce lac.

    Ma princesse, tu m’entends ?

    Oui, je suis là !

    J’ai peut-être quelque chose pour vous.

    Je t’écoute.

    J’ai réussi à faire parler Evguénia mais elle est très méfiante.

    Je lui ai parlé du lac, je sens son odeur.

    Elle m’a dit que c’était drôle le nom qu’il portait

    Vu que mon père allait le devenir.

    Ce n’est pas très clair mais j’en parlerais aux autres

    Nous te retrouverons, je te le promets.

    Je sens ta fatigue, ma princesse.

    Il faut que tu dormes

    Ne t’inquiètes pas autant, je tiens le coup.

    Les ombres ne font que jouer avec moi. Ils ne doivent pas me tuer.

    Maximilien ?

    Oui.

    Evguénia veut se lier à toi ?

    Oui mais elle ignore encore qu’elle ne le pourra jamais.

    Tant qu’elle ne sait pas la vérité tu ne risque rien.

     

    Je voulais l’apaiser afin qu’elle dorme enfin. Je lui ai fredonné sa musique. Elle rêvait souvent de nos étreintes ça ne m’aidait pas, elle me manquait tellement. Depuis cette nuit, elle rêvait de faire du mal à Evguénia. Comment pourrais-je lui en vouloir alors que si je pouvais je la tuerai volontiers moi-même.


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